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JOURNAL DE CAMPAGNE
9 octobre 2007

De l'aube au crépuscule, Rapports Sexuels

D’abord il y a cette question posée crûment, un dimanche matin, à la terrasse d’un café, par une jeune femme presqu’inconnue.

« Pourquoi fait-on l’amour ? » avait-elle demandé.

C’était l’heure de la messe, un grand soleil inondait la place, de toutes parts les cloches résonnaient.

Et la réponse qui m’était venue valait alors pour ma vie entière : « Pour passer le temps. Simplement pour cela. L’illusion de l’éternité est si fort ancrée en nous qu’elle contient le sens de chacun de gestes.

Faire l’amour, n’est ce pas toujours chercher à abolir le temps, cesser de s’appartenir un instant, celui de la jouissance, se déposséder, pour accéder au monde des dieux ? »

Ainsi avions-nous lié connaissance.

« L’instant de la jouissance, lui avais-je dit plus tard, est celui de l’injonction, du « jouis » lancé à l’adresse de l’autre, et retourné par elle en « fais moi jouir, arrache de plaintes de mon corps, fais que je m’abandonne et me livre à toi, que je t’appartienne, toi qui m’enjoins d’être le lieu de ta perte, l’objet de ton unique plaisir. »

Car il en va de la jouissance comme du regard : lorsque deux regards se croisent, alors tout sujet s’efface. Seul subsiste le verbe, « regarder », posé là entr’eux, intransitif, comme le « jouir ». Il y a du regard, de la jouissance entr’elle et lui, et cela suffit. Au delà de toute vision.

Et puis, plus profond que tout peut être, il y a l’enfant possible. Qui à sa façon bien réelle permet parfois de passer ce temps qui est le nôtre. De prolonger l’étreinte : les enfants ne naissent-ils pas souvent d’abord de désirs de femmes ?

Ce désir-là est plus vieux que le monde, que tout mémoire.

Lorsque deux corps s’enlacent n’est-ce pas l’amour qui pousse et cherche à s’incarner ?

Si difficile à vivre hors de la possession, qui nous prend tant de jours, tant de renoncement, d’oubli de soi. Car aimer c’est toujours accompagner quelque chose qui se fait. Par l’inquiétude, l’attention accordée, donner de soi le plus singulier, le plus intime. Se découvrir si investi par ce goût de l’autre, qu’elle prend place en nous, dans chacun de nos gestes.

Mais notre besoin de preuves n’est-il pas si tyrannique que la fin de l’étreinte signe aussi souvent celle de l’amour ? L’inquiétude rend attentif. A autrui et à soi. S’inquiéter de soi, de cette distance qui nous sépare de l’enfance, relier les évènements d’une vie d’un fil qui leur donne sens, tout à la fois inventer et s’approprier sa propre histoire. L’incarner en la disant.

« Ainsi fait-on l’amour pour oublier le temps et notre vocation à l’inachèvement. »

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Commentaires
V
Simple reflet, émanation, création...de l'Eternité qui lui pré-existe et seule, l'achève. Ainsi m'apprit Plotin, un jour où le temps me semblait si long de vivre...<br /> <br /> Et puis, comme vous dîtes, il y a certaines passerelles vers l'Eternité, heureusement, et elles sont si...si terriblement humaines et divines à la fois, qu'elles vous réconcilient avec ce pauvre Temps, et qu'on l'accepte...<br /> <br /> PS : ah non ! Le désir d'enfant n'est pas spécialement féminin...Enfin moi ça ne m'a pris qu'une fois, un week-end de canicule et de sexe torride, j'ai dit : tiens je crois que c'est fait. Mais à part ces 3 jours de ma vie...non jamais.
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