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JOURNAL DE CAMPAGNE
21 novembre 2007

Hier soir au téléphone

Hugo M. dit dans sa dépression au retour du Brésil : « Il me faut attendre, attendre, qu’en moi s’apaisent les peurs, l’angoisse du lendemain. Que revienne la paix. Pour cela, les cachets m’aident. A oublier l’appel du voyage, d’un ailleurs où tout est possible : le sexe, l’argent, la peinture, ma femme et ma fille, nous tous réunis dans un bonheur paisible.

Lors de l’embarquement déjà, à Recife, la terreur m’a saisie. Et ne m’a plus quittée. » (Souvenir d’Hélène, qui à son retour des Antilles n’avait pas supporté l’hiver à Lille et s’était définitivement absentée.)

La mère d’Hugo est morte il y a longtemps, et il est pour moi comme un double ayant largué toutes amarres, chaque jour confronté à la précarité et à l’incertitude du lendemain. Il n’a rien exposé depuis des années. Et continue de peindre chaque jour, sans rien montrer. Sa peinture est l’expression de fantasmes de mort et de sexe, corps d’hommes, têtes de bêtes, se chevauchant, s’entremêlant dans la nuit.

En relisant ces pages, je m’aperçois que, comme Hugo, qui dans sa peinture exprime ses pulsions, je ne convoque souvent ici que des fantômes de mort et de sexe.

La part obscure du sexe m’a toujours fasciné : le basculement brutal des corps, les étreintes aveugles, l’abandon et l’oubli, l’anéantissement de soi dans l’anonymat de la jouissance (étreindre des corps sans nom, parfois sans visage, parfois aveuglément, dans l’obscurité, réminiscences d’Œdipe et Jocaste?).

Ainsi le libertinage, cette sexualité partagée sans romance ni mensonges, dans la pureté de l’instant présent, partage des corps, des regards, des cris, expression brutale du désir et de la peur, m’est-il depuis longtemps devenu essentiel.

Souvent le libertin révèle deux visages, l’un ou l’autre prédominant à la mesure de son énergie ou de sa fatigue de vivre: celle du séducteur, amoureux des corps et des âmes au point de sans cesse désirer les posséder, et celle du désespéré, revenu de toutes les joies, de tous les plaisirs, fussent-ils de lui méconnus. Pour le premier, faire l’amour, c’est d’abord transgresser, partager le quotidien des dieux, aimer et être aimé sur tous les chemins. Quand le second se distrait, use le temps.

Pour moi, ce plaisir goûté avec des femmes souvent aimées , m’a permis de m’ancrer dans la vie, d’échapper à l’angoisse. Car l’acte sexuel, qui est à la fois acte d’amour et recherche compulsive d’un absolu du corps, dès ma première étreinte avec une femme m’est apparu comme un instant de vie extraordinaire : l’inexprimable des mots s’y mue en gémissements.

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Commentaires
B
ma belle, tes cris...
A
larguer les amares ! tout est dit ! et en effet le libertinage est une forme d'évasion, encore faut -il comme cela est mon triste destin ne pas avoir gardé les chaines de l'éducation, très beau texte que le votre
E
c'est "un instant de vie extraordinaire":exister dans les bras de ce séducteur
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