Rose Bud
Penser : un exercice de vivisection du passé, une succession d’ouvertures de cercueils.
A Saas, étendu dans l’herbe, la lumière du ciel filtre à travers le feuillage des tilleuls. Alternances de verts sombres et tendres sur fond azur.
Je retrouve le grand soleil de l’enfance, les après-midi d’été, la brûlure du ciel.
Mathilde me fait remarquer combien mon peu de souvenirs d’enfance est antinomique avec mon goût de l’introspection et de l’analyse. Je lui réponds qu’il s’agit là d’abord d’une mécanique en forme de catharsis, construite sur l’obsession de l’oubli. Car ces années d’enfance m’apparaissent comme un champ de ruines, un éparpillement d’instants dont le sens m’échappe. Au plus profond notre mémoire n’est-elle pas faite d’éclats miroitants, vouée au doute et à l’approximation? Notre corps qui, malgré lui, porte inscrites les marques du passage du temps, ne témoigne-t-il pas seul de notre existence ?