Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
JOURNAL DE CAMPAGNE
26 septembre 2007

THE THIN RED LINE / Memento Mori 4

Varsovie 1941/ Vukovar 1991 /Bassora 1993/ Sarajevo 1995 / Racak 1999 / Grozny 2000 . La guerre est partout, avec son cortège de souffrances et d’atrocités, comme une traîne de sang et de cauchemars : là-bas les âmes mortes demeurent pour l’éternité. A jamais leurs voix nous hantent:

« Tu vois ici tout est ravagé. Il n’y a plus que nous pour se souvenir d’avant, des monuments, du nom des rues.

La nuit, nous nous rappelons  cette ville, nous la parcourons en rêve. Tandis que les flammes des usines détruites montent dans le ciel, que la fumée âcre envahit tous les quartiers.

La ruine et la destruction sont aussi dans nos âmes, dans le regard des enfants. Vois leur terreur, la panique dans leurs yeux pleins d’effroi.

Tu entends le bruit du canon, ce roulement sourd, ces éclairs qui remplissent la nuit ? Derrière chaque tir il y a des enfants morts, des vieillards éventrés, des hommes et des femmes décapités ; des hurlements de douleur qui n’en finissent pas.

Tout ce mal, d’où vient-il ? Dans quelle région dévastée de nos corps prend-il sa source? Nous plongeant dans la ténèbre, nous ensevelissant sous les images du monde. Et on vit à jamais exilé de soi-même, saccagé par toute cette violence, ce déferlement d’odeurs, de couleurs et de bruits, ce sang, ces cris, ces morts.

J’ai connu une femme, elle s’appelait Lilas, elle était une fleur éclatante et parfumée. Pendant tout le temps que durèrent les premiers bombardements -près d’un mois, quotidiennement, des déluges de bombes ravagèrent la ville, tuant bêtes et hommes, réduisant les rues à des amas de ruines-, nuit et jour elle habillait ses enfants de leurs plus beaux vêtements, pour, disait-elle, qu’ils soient bien habillés si la mort les surprend. Depuis, elle est morte, elle et ses trois enfants, écrasés par un obus.

Une fois qu’on s’y est habitué, les hommes morts sont comme des bêtes privées de vie. Crois-tu que tu souffriras moins parce que tu aimes la beauté et la vérité ?

D’où vient ce mal caché qui nous empêche de grandir, de laisser place à la paix ?

Qui décide de nos destinées, qui doit vivre, qui demain mourra, qui d’entre nous verra sa femme, ses enfants tués, sa vie anéantie  ?

Ici nul ne le sait. Chacun cherche seul son salut dans l’oubli du présent. Chacun se méfie de son voisin. Tous unis par la haine. Partout, où que nous soyons, il y a toujours quelqu’un en train de nous observer, prêt à saccager notre amour et à nous dévorer.

Je me souviens d’Anna et Zoran, un couple d’amis aujourd’hui disparus… Au cœur de la tempête, en plein bombardements, alors que partout autour d’eux la mort rôdait, ils n’avaient qu’une idée en tête : baiser, baiser sans arrêt, partout et toujours. Que dans son sexe à elle toujours trempé, il  introduise son sexe à lui en permanence érigé.

Lui : basculer sur son corps, la voir gémir, se tordre, lire sur son visage la marque du plaisir, entendre dans sa voix  monter la jouissance, jaillir jusqu’au fond d’elle, la remplir de son sperme et jouir avec elle en hurlant.

Elle : gémir, se tordre, être pleine de lui.

Puis Lui, chuchoter, désespéré : « Ma toute douce, si je pars le premier, je t’attendrai. De l’autre côté des ténèbres nous nous retrouverons.

Tu es la source de tout ce qui en moi est vivant. Tu es mon aimée, l’espérance de mes jours. Et si tu disparais, à quoi bon continuer ? Ô mon amour, nous rejoindre à nouveau dans les collines bleues, au fond de l’horizon.»

Ainsi l’oubli, pour tous les deux, était à ce prix. »

Publicité
Publicité
Commentaires
V
Ils avaient raison...L'oubli EST à ce prix. Si l'on peut espérer lutter contre la mort et parfois sortir vainqueur, c'est grâce au principe le plus fondamental, le plus primaire et le plus profond de Vie en nous : le sexe. <br /> <br /> La mort c'est la destruction de l'espèce, le sexe c'ets sa perpétuation, et j'irai même plus loin : pour chaque vie humaine défaite, il faut faire et refaire l'amour toujours...
Publicité