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JOURNAL DE CAMPAGNE
1 octobre 2007

Devoir de mémoire 1

Dans l’écriture, la mémoire des mots me réconcilie avec mon origine. En elle, je rejoins ma mère, le sein du monde, la palpitation de la vie reflétée dans ma propre vie. Ce blog procède ainsi  parfois d’un rituel incantatoire qui libèrerait tous les flots contenus depuis l’enfance. L’enfant perdu en moi y retrouve sa voix. L’adolescent, dont le sang afflue, se met à bouillir et que le monde  étouffe, expulse ici de son corps ce besoin de tout dire, l’instant et la durée, comme on ôte de soi un corps étranger… et l’adulte, aussi, se livre aux tourbillons du passé.

Vestiges littéraires, en guise de mémorial : les racines tordues des tamaris sur la jetée, le goût salé des pipas, les crèmes glacées, les draps tâchés, les cris la nuit, les baisers profonds et la voix des parents qui interdit la suite « Tu es trop petit pour ça, tu comprendras plus tard. », « va voir dehors s’il fait beau ».

Il n’y a aucun ordre dans ce voyage, aucune cohérence. L’errance ici n’est-elle pas la règle ? Des motifs ignorés se tissent à mon insu, qui, peut être, se révèleront à la fin.

N’en va-t-il pas ainsi de toutes les histoires ? Sans doute au commencement de ces pages, y-a-t-il le désir de m’approprier tous les récits que je porte et qui me constituent.

Souvenirs de lectures : les aventures de Simbab le marin pour les enfants (ce fut mon premier « vrai » livre, lorsque j’avais six; plus tard en Irak, je marcherai sur ses pas), Michel Strogoff, le Tour du Monde en Quatre-vingt jours, les malheurs de Sophie, les contes du chat perché, Sans famille, Voyage au centre de la terre, Oui-Oui s’amuse, les Contes de Perrault. Plus tard le Grand Meaulnes, l’Ile au Trésor et Rimbaud. Après tout s’emmêle.

Je me souviens. Vers l’âge de 10 ans, dans ces années qui précèdent la puberté, le temps de l’angoisse et de l’ennui mêlés. Journées entières de lecture, longues alternances de dépression et d’espoir enragé : le monde rétrécit. Sous les voiles de la nostalgie ces années restent celles de mon éveil au monde qui se confond dans ma mémoire avec la découverte de Stevenson et Jules Verne.

Plus tard encore, j’ai quinze ans. J’aime Hélène de cet amour absolu, incandescent, celui de Meaulnes pour Yvonne de Gallais. L’été venu, elle m’abandonne pour se livrer sans vergogne à un flirt de passage. Et me voue au cynisme pour échapper à la haine: j’oublie tout de l’histoire de Meaulnes (hors cette exaltation qui m’avait saisi lorsque Meaulnes partit), le nom même d’Yvonne de Gallais me paraît désormais suspect, entaché de corruption. Cet été là, l’enfance m’a définitivement abandonné ; j’ai entrevu l’adulte que je deviendrai et la peur m’a saisi!

Alors, pour oublier, je me suis plongé des jours entiers dans la lecture, dévorant tout ce qui passait à ma portée.

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Commentaires
L
il y a des livres qui sont comme des phares ou des balises de notre enfance, quand on se retourne on les voit encore briller, le grand Meaulnes est un de ceux la avec les hauts de Hurlevent par exemple,(qu'est ce que j'ai pu pleurer avec les contes du chat perché) ou Kessel, ou Colette, ou romain gary... il y a un age pour lire ces livres, celui de l'adolescence où ils produisent le maximum d'effets.. on en retrouvera toujours le reflet ensuite en les relisant.
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