Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
JOURNAL DE CAMPAGNE
18 décembre 2007

Amour, orgues et délices

Toute mon enfance est marquée du sceau de la liturgie et des sacrements : l’orgue, l’encens, la confession, la messe des morts, la Semaine Sainte, les Vêpres, l’Eucharistie. Dire tous ses pêchés (par action, par pensée ou par omission), sentir le poids de la croix sur ses épaules d’enfant lorsqu’avec ma grand-mère, le Vendredi Saint j’accomplissais pour la seconde fois le chemin de croix, essuyer le visage ensanglanté du Christ avec Marie-Madeleine la pécheresse amoureuse, communier avec l’éternité en mangeant le corps d’un autre homme et en buvant son sang.

Maudite métaphysique, qui nous enjoint constamment de regarder le ciel !

Une seule certitude dans tout le christianisme : la vision de Paul du Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Tout le reste n’est qu’assomptions, inventions de magiciens !

Durant des années, sous forme de métaphores, les récits de l’Eglise (la vie des Saints et des Martyrs, l’exemple des Pères Blancs, les apparitions miraculeuses, la magie noire des Prêtres, l’adoration du Cœur-Sacré-de-Jésus et de l’Immaculée Conception, les Mystères de la Foi…) occupèrent tous les esprits, souvent à leur insu. Et nul ne pouvait en parler.

Sans doute aujourd’hui en sommes-nous encore imprégnés : omniprésence d’icônes médiatiques faux-reflets de nos vies réelles, hantise des millions de morts des camps, de cette Guerre Froide dont le front idéologique fut d’abord celui  de la religion,  fascination pour l’imaginaire, le viscéral, la part de nuit qui nous hante et dont le visage grimaçant demeure masqué par les contraintes sociales. Assassins à Auschwitz, Grozny, Vukovar ou Wall Street, snipers ravagés, tortionnaires sadiques ou prélats onctueux, tous réunis dans la même bestialité mutique.

Notre salut vit à l’ombre de Port-Royal : là seul est la vérité du mythe, son cœur palpitant, le paradis perdu de la langue française et de la religion. Et parce qu’à Port-Royal on comprenait tout cela, qu’on savait que la folie des hommes n’avait de sens que dans l’union de la langue et de la religion, que tout le reste n’était que crimes et vanités, pour cela Port-Royal-des-Champs fut anéanti. Oubliée la véritable histoire du Christ et de la Vierge, celle de leur inceste agapète, de leur folie inhumaine, au profit des sciences et de la raison, sacrifiée au nom de l’Etat et du Marché, de l’intelligibilité médiatique, nouveaux mythes universels.

Génocides, culpabilité, marché unique, honte, honte encore : sous couvert de raison nous avons refoulé au plus lointain tous nos démons, éteint tous les feux.

Les sacrements de l’Eglise transformés en symboles, le travail quotidien de travestissement de la mémoire qu’effectuent les médias ne constituent-ils pas aujourd’hui les éléments d’un même rituel criminel, d’une identique trahison? Conçus pour nous arracher la langue et nous vouer à l’innommable.

Publicité
Publicité
Commentaires
V
...les bûchers de la Sainte Inquisition brûlent encore...là au milieu des villes...et ils sont foule à regarder brûler les hérétiques. <br /> <br /> ReVenante...ou surVivante...sourire. Mais qu'importe, j'ai trouvé le moyen de dire et d'être malgré tout : béni soit le camouflage.
Publicité