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JOURNAL DE CAMPAGNE
21 décembre 2007

Hamlet

Les  eaux noires du détroit montent vers la falaise.

Au crépuscule de la nuit, Hamlet veille encore.

Prince du Danemark. La sirène du ferry déchire l’aube grise. Et les mouettes affolées accompagnent notre course.

To die, to sleep ; to sleep, perchance to dream. Toutes nos errances reprennent vie ici.

Dans les hauts parleurs de l’ordinateur, le Chant de la Terre, la voix de Kathleen Ferrier :

Ewig, Ewig…

En1985 à Lyon, Isabella l’avait interprété, j’avais été bouleversé. I. voulait que j’écrive notre histoire, pour plus tard disait-elle, quand tu m’auras oubliée.

Il y a deux mois à peine, j’ai reçu cette lettre :

« Vingt quatre ans plus tard, je suis revenue à Nenx ! Tout y est identique et tout y est différent.

J’ai retrouvé  tes parents, et leur amabilité  me touche  toujours  autant. J’ai été sur la tombe de Pierre. J’ai revu Ruth et sa très jolie  petite  fille, Sarah. Il n’y a que toi que je n’ai pas vu.

Ton père  m’a montré  une photo de ta fille, Clara. Dieu qu’elle est mignonne !

Moi, je suis à présent  mère  d’une très belle jeune femme de 18 ans : le temps  a bien travaillé  pour  nous.

J’espère te revoir  un jour, en Toscane.

Tu verras, là-bas  aussi tout y est identique  et tout y est différent.

Je t’embrasse  tendrement. Isabella »

Souvenirs d’elle :

c’est au printemps 1983 que nous nous rencontrons, à Paris lors d’une soirée chez Pierre BL, rue Rambuteaux.  Isabella est une amie de Ruth BL. J’ignore tout d’elle. Je sais simplement, dès le premier regard, qu’elle me désire, que son désir est impérieux. Plus tard elle m’entraîne à son hôtel. Le luxe m’éblouit. Je jouis d’elle toute la nuit.

La seconde scène se passe à Nenx quelques mois plus tard: Isabella et son mari, chez Pierre et Ruth, il y a aussi mes parents, tous rient dans la nuit d’été.

La troisième scène se déroule en 1985 à Lyon où je m’étais installé. L’automne est là.

Isabella chante à l’opéra, Mozart, Malher, elle est resplendissante.

Je suis bouleversé, jaloux. Triste à pleurer puis cruel. Méchant, comme un enfant enragé qui casse ses jouets.

La dernière scène se passe près de Sienne, trois ans plus tard. Isabella est blottie dans mes bras. A travers la brume, une lumière pâle glisse sur la campagne. Isabella pleure, car elle vient d’avorter. Et pour la première fois j’ai le sentiment que ma vie aussi pourrait être une histoire. Qu’à mon insu les faits s’enchaînent même si leur logique m’échappe.

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Commentaires
F
La vie qui nous échappe, les choix que l'on fait, les chaines que l'on choisit. Ou pas.<br /> <br /> J'aimerai voler, là , ce soir, j'aimerai voler...
A
J'ai lu un bouquin cet été sur ce théme, une paternité apprise tard, touchant, un peu énervant aussi.
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