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JOURNAL DE CAMPAGNE
28 janvier 2008

Voici deux ans, j'ai commencé à rassembler des lettres d'internés (suite)

- Lettre de Sidonie Gottlieb à son mari interné au camp de Saint-Cyprien,

le 19 octobre 1940 :

« Notre seul espoir est dans un poison rapide et efficace. Notre déchéance est telle qu’il nous est impossible de remonter la pente. Jamais je ne me suis trouvée dans un tel état de dénuement, aussi sale, aussi tourmentée par la faim. Pourquoi les bombes ne nous ont-elles pas déchiquetées il y a quelques mois sur la route ? Pourquoi a-t-il fallu que nous arrivions vivants ici ? »

-Lettre d’Hannah Arrendt à son mari Heinrich Blücher, 12 avril1941

«Trois semaines que je suis ici et déjà devenue une souillon apatride. Depuis deux jours diarrhées incessantes, dans la boue et une odeur pestilentielle. Des poux me bouffent la tête. Difficile de rester droite tu sais. Je suppose qu’au Vernet le régime ne change guère.

Fuir, fuir le plus vite possible avant qu’il soit trop tard. J’ai peur, froid, faim. Viens me chercher sans quoi … J’ai appris que Walter B. et Anna S. n’arrivent pas à partir et que Walter est au plus mal. »

- Lettre d’Hanna Schreck 2 octobre 1941 :

« Chaque jour on voit arriver de nouveaux camions qui déversent des gens de toutes catégories, riches, pauvres, malades ou bien-portants, des hommes, des femmes et aussi beaucoup d’enfants. Il y a des malades qu’on emmène dans l’îlot sur des civières, et des vieux de quatre-vingt et même quatre-vingt-dix ans, qu’on croirait échappés de la tombe, silhouettes désorientées et comme coupées du monde. Ils se laissent conduire sans manifester la moindre volonté… Ce qui leur arrive ici dépasse leur entendement.

Parfois certaines de ces femmes sont débarquées sur des planches, immobiles, livides. Leurs mains pourtant sont encore chaudes, leurs pieds bougent, mais en fait elles sont presque mortes. On les conduit alors à l’îlot central où elles achèvent de mourir dans leurs vomissements et leurs déjections. Souvent elles hurlent la nuit. Et nous empêchent de dormir. Ce qui contribue encore à notre épuisement.

Aujourd’hui j’ai vomi du sang. Je prie pour que tout ça s’arrête. »

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Commentaires
V
Merci de dire...Dans ma famille c'est le silence total, il le faut bien pour vivre comme tout le monde...
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