Dialogue présocratique, pour Elle
Lui : Comment faire partager cette absence d’images, ce presque rien à dire ? La fatigue entrave mes pensées. Mon chaos a-t-il quelque chose à exprimer, mon désir de durer suffit-il à me sauver ?
L’autre : Quand on a cessé de croire aux vertus de la bienséance, au pouvoir du travail et de l’argent, aux vertus rédemptrices de l’esthétique, à la puissance des puissants, à la gloire des vivants et des morts, quand on peut rire de toutes les hiérarchies, alors au fond de la révolte, au delà de la haine, demeure l’essentiel : la mémoire et la compassion. L’écriture et la peinture en sont l’expression …
Croyant avoir abandonné tout espoir de salut et de rédemption j’écris ces lignes. Dans l’attente d’un signe qui me sauverait justement de la trahison des mots, d’une grâce infime qui me délivrerait de l’inquiétude et me révèlerait la clef d’un bonheur paisible, je creuse dans le sommeil des galeries de mots. Ecrire chaque jour, chercher sa voix dans la rumeur des mots, se découvrir singulier dans la langue de tous. Mais aussi : emprisonner le verbe dans une gangue d’encre, sans cesse arraisonner ses vaisseaux en furie, geler la langue.