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JOURNAL DE CAMPAGNE
5 octobre 2008

ma mère

Il y a plus de trente ans que ma mère est morte. Je me souviens son absence, autour de quoi tout gravite.

Sa mort m’a laissé démuni, presque sans souvenirs, même photographiques. Et la fin de mon enfance et mon adolescence m’apparaissent souvent d’être déroulées par « inadvertance », dans un chaos incessant.

Le plus terrible dans cette disparition, et plus tard celle d’Anne-Marie, fut je crois le poids de la « malédiction », des choses tues ou mal dites : durant longtemps j’ai vécu dans la fascination d’un deuil impossible, j’ai creusé dans ma chair une prison intime.

J’ai installé en moi un tabernacle obscur pour y cacher mes secrets : déposer à l’abri des regards les mots de la honte et du corps, les y entasser là pour qu’ils cessent de me blesser.

Depuis la mort de ma mère la honte n’a cessé de m’assaillir, de battre en moi comme un sang noir qui cherche la lumière.

Je voudrais témoigner aujourd’hui de cette maladie de misère, qui m’a tenu tant d’années éloigné de moi-même, de cette lente guérison qui a permis à ma langue d’échapper à la prison du manque, à cette gangue de chair, de honte et d’orgueil où elle était enterrée : lorsque tous les recours habituels pour rechercher des preuves de notre destinée ont été épuisés, intervient l’écriture, comme une grâce ultime que l’on invoque alors.

Mais souvent le silence vaut pour seule réponse : ce n’est que lorsqu’on s’est presque résolu à n’avoir pas de preuve de nos gestes, que les choses peuvent advenir. Car les outils de la langue se forgent lentement.

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