Voyages COREE 1
A Paris, j’écris dans la pénombre de ma chambre d’hôtel. Une porte claque. Des pas résonnent dans le couloir. Au loin le bruit d’une chasse d’eau. Le souffle entêtant du climatiseur remplit le silence.
Une dépression centrée sur le sud de l’Angleterre dirige vers le Nord-Ouest un flux d’air glacial. Tandis qu’à Saas un soleil éclatant fait fleurir le jardin.
Plus de quinze degrés Celsius séparent Paris et Saas.
La vie moderne ne nous a-t-elle pas tellement protégés des aléas du climat que le temps à son tour devient une fiction?
A la télévision, un documentaire retrace le retour en Corée d’une jeune femme adoptée il y a vingt-cinq ans : perdue, assaillie de questions sans réponse, dévastée par le chagrin et les souvenirs elle erre dans Séoul, ne comprenant pas comment, à l’âge de quatre ans, son père a pu l’abandonner. Retrouvant la mémoire d’instants oubliés elle poursuit en vain sa quête obstinée des origines.
Séoul, Sarah, Clara, ici entremêlées, comme autant d’échos intimes de mon errance à la sienne, à sa confrontation avec le mensonge et la violence du monde réel, le cynisme et l’absence d’humanité des institutions, entre mémoire et oubli.
Dans un restaurant ambulant, elle mange des coquillages et retrouve leur goût déposé dans l’enfance. Plus tard, elle croise une mère coréenne, image de la sienne, qui vingt ans auparavant a abandonné ses enfants qui aujourd’hui la hantent.
Et tout le temps elle s’étonne de se découvrir à la fois si proche physiquement de ces femmes coréennes et si éloignée d’elles par la langue : son français irréprochable, son ignorance totale du coréen.