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JOURNAL DE CAMPAGNE
5 août 2007

Portugal

En explorant les carnets de voyages, sur un cahier à couverture orange : 1985 ; année de mon premier voyage à Lisbonne, je préparais alors un article sur Manuel de Oliveira, jamais achevé. Je le rencontrai dans la loge de Diogo Doria qui jouait ce soir là une adaptation d’une pièce de Robert Pinget.

A la fin de la pièce, avec Diogo et Anna, nous partîmes dans la nuit. Le lendemain au réveil j’écrivais ces lignes, qui regroupaient ensemble confessions d’Anna et descriptions mêlées de Diogo et de Oliveira :

« Il  était un de ces hommes que la beauté semblait laisser démuni. Ainsi ai-je été souvent frappée par le nombre de tentations dont il fut l’objet.

Rien n’indiquait qu’il y cédait, mais il y avait là quelque chose de plus fort que lui, déraisonnable, comme un irrésistible appel. Et il me semblait qu’alors il frôlait ces abîmes avec un mélange d’effroi et de jubilation, un émerveillement toujours renouvelé. Si bien que, pour moi qui l’aimait, notre relation se révélait souvent plus menaçante que véritablement dangereuse, source de ce doute et de cette inquiétude qui nourrissaient sa vie.

Dans la passion de la rencontre, il lui arrivait de dire des choses tellement vraies, que souvent il donnait alors le sentiment d’assister à un événement extraordinaire. Le ton qu’il employait, les mots qu’il choisissait nous paraissaient si justes que beaucoup la première fois restaient fascinés. Nous avions l’impression qu’il s’adressait au plus profond de nous, qu’il connaissait nos pensées, parfois même avant que nous les ayons formulées. »

La cigarette achève de se consumer dans le cendrier à demi-plein. Sur la page, la marque de mes hésitations : mots raturés, paragraphes biffés. Tracé dans la marge, d’une main rageuse, en majuscules : NON -pourquoi ? je n’en ai aucun souvenir.

« Lisbonne le 16 mai 1996, café Marinho do Arcada

Peintures : tandis que toi tu pars du nom, de l’objet déjà vu, depuis longtemps désigné (pomme, visage figé, touffes d’herbes folles, chaises vides) pour t’enfoncer dans l’inconnu, vers cet ailleurs que tu désires tant fixer.

Car pour toi partout le manque demeure.

Le nom marque le Nord de toute ton aventure. Repère de ta quête, il porte en lui la trace de toutes tes errances.

La pensée est une mer si vaste qu’il n’est de voyage possible sans souvenir du port.

Un jour, si tu persistes, une terre nouvelle t’apparaîtra, vierge de tout regard. Et portera ton nom, ta signature. »

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