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JOURNAL DE CAMPAGNE
9 août 2007

Travaux d'été

Ailleurs

Je me rappelle l’Italie. Les longues journées d’errance dans Venise, l’arrivée à l’aube par le train, la découverte de la ville au sortir de la gare Santa Lucia. La fatigue et la faim me tenaillaient alors.

Chaque détail aujourd’hui se détache avec précision. Je me souviens de cette femme anglaise, rencontrée au hasard des rues, quittée à l’aube, dans la moiteur des draps froissés…quelques années plus tard, près de Sienne un autre matin, d’Isabella, que j’embrassais tendrement tandis qu’elle sanglotait. Bien plus tard encore, avec M. je reviendrai en Toscane, rêver d’une vie différente.

Je me rappelle encore, à Göteborg en 1982, lors d’une nuit d’été : sous la clarté neigeuse, la ronde des jeunes femmes blondes dans la brume du parc.

Plus tard le lendemain, je suis sur le ferry reliant Göteborg et Helsinborg. Venant du pont, en pleine nuit, j’entends le chant guttural des marins ivres.

A l’aube de cette même nuit, dans la lumière grise, je découvre le château d’Elseneur, amas de briques rouges surplombant l’océan. Hamlet, sentinelle en éveil guettant dans la tempête, livré au vent du Nord et aux embruns salés. Dans les couloirs du palais les hurlements du vent couvrent tes cris d’enfant. Et les vagues en furie font trembler la falaise.

Le même été, à Betsy Coïd, un petit village au nord du pays de Galles, le soir de cette finale épique de Wimbledon opposant Borg et Mac Enroe, une petite fille aux cheveux roux, au regard de fée, est assise au bord d’un pré vert éclatant. Elle me regarde, puis s’enfuit en chantant. Une vague de bonheur me submerge et me fait venir des larmes.

Cet été là, je voyage seul, dormant dans les jardins publics, sur le pont des ferries, dans des abris de bus, partout où la nuit me surprend. Je découvre le monde, me nourris de Fish & Chips graisseux qui suffisent à peine à calmer ma faim, mon corps et mes vêtements sentent le suint, mélange de sueur et de crasse, une barbe incertaine ronge mes joues, mais qu’importe tout cela : tel est alors le prix de la liberté! Je rêve d’un monde sans limite, d’une forme parfaite où s’inscriraient tous mes désirs.

Quelques années après, en 1986. Ce soir de mai, avec Anna, nous dinons dans ce restaurant à la mode, au nord de Porto, construit par Alvaro Siza. Il y a là Nuno Portas qui est architecte, Pierre BL qui fut son professeur à Vincennes, Ruth la jeune épouse de Pierre et un couple d’amis de Nuno qui parle à peine français.

Je me rappelle les larges baies vitrées découpées sur la mer, les parcours étagés sur les planchers de bois, les immenses rochers bordant les coursives, le vent de l’océan qui vient battre aux fenêtres.

Toute la soirée je demeure muet, pétrifié par la lassitude, l’envie de fuir, d’en finir, de rejoindre ce paysage que j’aperçois à travers les fenêtres : le port, la plage, la falaise. Là-bas, rejoindre la mer. Le repas dure jusque tard dans la nuit, et cette soirée marque pour moi le début d’une longue dépression.

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