Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
JOURNAL DE CAMPAGNE
22 novembre 2007

Je me rappelle Eva M.,

par qui se fit mon « initiation » au libertinage.

Elle avait pour moi les attentions d’une amante soumise et d’une mère inquiète. En 1985, durant plus d’un an, nous avons eu ensemble une aventure violente et passionnée; elle vivait alors avec Robert R., le père d’un de mes condisciples, qui, après l’avoir menée vers des jeux parfois extrême, l’a encouragée dans notre relation, pour bientôt faire preuve d’une jalousie d’autant plus violente qu’elle nourrissait sans doute son attachement à Eva. -Ne nous demandait-il pas fréquemment à tous deux, de nous aimer devant lui ? Ce que nous nous refusâmes toujours à faire. Justement peut être car nous désirions l’un et l’autre préserver cette passion qui nous liait.-

Elle était en amour une mystique enragée que seule soulageait l’étreinte des corps ; qu’ils fussent hommes ou femmes, peu importait, pourvu qu’ils la mènent à l’orgasme, parfois jusqu’à s’évanouir.

Je l’ai vue, lors d’une soirée, avant d’être offerte les yeux bandés à une vingtaine de participants qui plus tard abuseraient tous de son corps -elle s’évanouirait trois fois de suite de plaisir-, demeurer dans la chambre une heure en silence, comme  en prière, agenouillée nue près du lit.

Durant de longues années je suis resté sans nouvelle. Un jour j’appris qu’elle était gravement malade. Lorsqu’enfin je parvins à la joindre, elle refusa de me voir : « je suis devenue si maigre, si laide. J’ai un anus artificiel, qui me couvre de honte. J’aurais tant aimé vous étreindre à nouveau, vous offrir mon cul avant qu’il disparaisse. »

Images de ma relation avec Eva, elle et moi enfermés durant trois jours dans une chambre d’hôtel bon marché du quartier Saint-Paul à Lyon, les premières disputes, les pleurs, la passion qui s’enfuit.

En 1986  le SIDA a fondu sur nous et mis fin à notre amour : les premières campagnes de publicité, la peur qui s’insinue. Partout autour de nous le sexe devient porteur de mort, gangrène le désir.

Des années qui suivirent, j’ai souvenir de back-rooms fatales, des Nuits Fauves de Cyril Collard, de séance de masturbation collective autour d’une femme esclave prosternée, attachée d’abord, fouettée, puis couverte de sperme ; sa bouche ouverte qui accueille un à un tous les sexes tendus.

En 1990 : Panique à bord du vaisseau qui prend l’eau de toutes parts. Et la peur qui partout bientôt s’insinue. Retour de la camarde au milieu du plaisir, de la morale et du préservatif.

*

15 ans plus tard. Aujourd’hui, seule la pornographie nous sauve et nous justifie : plonger dans le vide du sexe comme dans un tunnel obscur, se précipiter sur un corps avec un unique désir : jouir, jouir encore, abolir toute distance entre le corps et son signe, et se moquer du reste. Transformer chaque regard en geste (branler son sexe avec frénésie), renouer avec de très vieilles habitudes, retrouver le pouvoir de désordre des images et leur emprise sur la chair.

La pornographie nous libère et nous prouve l’universalité de l’expérience sexuelle : on pénètre tous les mêmes orifices, on recherche la même chaleur de l’étreinte, on pousse les mêmes cris ; l’inconnu s’éclaire et la peur s’éloigne.

Publicité
Publicité
Commentaires
B
il n'est jamais trop tard pour pécher et se livrer à la débauche...
A
j'envie beaucoup Eva M, elle a fait tout ce dont j'ai rêvé ! mais en moi la notion de péché a été comme une maladie, ce texte si bien écrit réveille en moi tant de regrets !
A
Terrible oui (surtout dans le passage "branler son sexe avec frénésie).<br /> <br /> Bref, je comprends pourquoi vous avez besoin de décharger chez les autres après vos efforts ici. <br /> <br /> Goudeluque (pour la continuation de votre libertinage).
L
C'est bien ce qu'il m'avait semblé comprendre. Et ce n'est pas moi qui vais vous le reprocher... ;)
B
de rien madame... mais j'aime tant l'amour.
Publicité