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JOURNAL DE CAMPAGNE
7 juin 2008

La Sainte 5

« Nevers le 18 avril 1925

Je soussigné docteur en médecine, serment préalablement prêté, certifie avoir assisté en ce jour 18-4-25 à la troisième exhumation de la Vénérable décédée le 16 avril 1879. J’avais assisté en 1919 à la seconde exhumation.

Les formalités médico-légales ont été strictement accomplies en présence des autorités religieuses et civiles. Après l’exhumation, le cercueil a été transporté de la chapelle du tombeau, situé dans le jardin, au premier étage du couvent. Là le cercueil a été ouvert après rupture des scellés. L’identification du corps est donc indiscutable.

De même qu’en 1919, il ne se dégage aucune odeur de putréfaction à l’ouverture du cercueil ; personne dans la nombreuse assistance ne paraît incommodé ni désagréablement impressionné. Les linges en voile qui recouvrent le corps sont humides et tâchés de moisissures. Ils n’adhèrent pas aux parties découvertes du cadavre. La face, les mains, les pieds ont une teinte brunâtre, sur cette teinte sombre tranchent des tâches claires de moisissures et de dépôts calcaires.

Le corps sorti du cercueil est disposé sur une table. Il repose sur le côté droit du bassin et l’épaule te le coude du côté gauche, la tête est inclinée à gauche, de même que le tronc, tandis que le bassin est incliné à droite. La jambe gauche est en légère flexion sur la cuisse, la jambe droite est en extension. Si les téguments n’avaient pas pris une teinte plus sombre qu’en 1919, on pourrait affirmer que le corps est à peu près aussi bien conservé qu’il y a six ans ; c’est à dire qu’il a subi son travail de transformation connu sous le nom de momification.

La peau parcheminée recouvre la presque totalité du cadavre ; les cheveux adhèrent au cuir chevelu, les sourcils sont aussi adhérents, les ongles commencent à se détacher. La palpation profonde montre que les muscles ont conservé une certaine souplesse. Le squelette est en très bon état de conservation, les jointures sont assez solides pour qu’il soit facile d’enlever le corps du cercueil et de le disposer sur une table. »

Fascination morbide qu’exercent sur moi ces comptes-rendus d’autopsies… Le corps objectivé, pour mieux s’en détacher, et se voir soi, lorsque la vie s’en va. Ces pages de « mémoires » ne sont-elles pas pour moi une forme d’autopsie ? L’autopsie, au sens premier, n’est-elle pas « l’action de voir de ses propres yeux » et s’assurer que tout est achevé?

Rideau. Enfin. Et retour au réel du corps, à la pesanteur du cadavre, l’ultime vanité, « La jambe gauche est en légère flexion sur la cuisse, la jambe droite est en extension. J’ai détaché et enlevé la partie antérieure des cinquième et sixième côtes du côté droit, et j’ai constaté qu’il existait dans le thorax une masse dure, résistante, qui était le foie recouvert du diaphragme. J’ai pris également comme relique un fragment du diaphragme et du foie sous-jacent, et j’ai pu constater que cet organe était resté dans un état de conservation remarquable. J’ai également enlevé les deux rotules recouvertes de peau adhérente et entourées d’adhérences et de matières calcaires, et enfin j’ai enlevé deux fragments de muscles sur les parties externes des cuisses à droite et à gauche. Ces muscles étaient aussi dans un très bon état de conservation et ne paraissaient avoir subi aucune putréfaction. »

Hamlet devant son cercueil :…That is the question. Wether’tis nobler in the mind to suffer the slings and arrows of outrageous fortune, or to take arms against a sea of troubles, and by opposing end them ?

Eclats de rires du fils de Dieu en guise de réponse.

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